Linda Degand Taormina

David Servan-Schreiber, prophète ou mytho ?

In 2010, Quelle Santé, Santé on mars 23, 2012 at 19:05

« Nous avons tous un cancer qui dort en nous », soutient David Servan-Schreiber dans « Anticancer »*, son best-seller mondial. Une affirmation que n’aurait pas contestée le Dr Knock de Jules Romains qui clamait : « Les gens bien portants sont des malades qui s’ignorent. » Accusé de charlatanisme, le médiatique psychiatre répond à la diatribe par un pied de nez en publiant une édition revue et augmentée de son ouvrage.

INTERVIEW
Quelle Santé En 2003, dans « Guérir », vous présentez les oméga 3 comme des aliments miraculeux. Et dans la foulée, vous créez une société qui commercialise des gélules… d’oméga 3. Peut-on être à la fois prescripteur et fournisseur ?
David Servan-Schreiber A l’époque, il n’existait aucune gélule d’oméga 3 de qualité satisfaisante sur le marché européen, c’est-à-dire très concentrée et riche en acide éicosapentaénoïque (EPA). En créant Isodis Natura, j’ai permis au plus grand nombre d’y accéder.

Q.S. Les médecins cancérologues vous accusent d’alimenter de faux espoirs et d’exploiter la crédulité publique.
D.S.-S. Dire que l’alimentation et l’hygiène de vie ont un impact sur le développement ou non d’une tumeur était considéré comme une imposture par une partie de la communauté médicale à la sortie d’« Anticancer »* en 2007. Depuis trois ans, de nombreuses études scientifiques sont venues confirmer ma théorie : le simple fait de changer de style de vie joue un rôle considérable dans l’accompagnement des traitements et la prévention du cancer, mais aussi des maladies cardiovasculaires, de l’Alzheimer, de la dépression, du diabète, de l’hypertension artérielle…

Q.S. Pourquoi la médecine conventionnelle n’adopte-t-elle pas vos thèses ?
D.S.-S. Les cancérologues ne sont pas formés pour cela. En faculté de médecine, seule est valorisée la pharmacologie lourde et classique. De plus, il n’y a pas d’argent à gagner, pas de brevet… Aucun labo n’invitera des médecins à un week-end de golf aux Canaries pour leur vanter les bienfaits des brocolis, du jogging ou du yoga !

Q.S. Pouvez-vous me citer une seule étude qui étaye votre discours ?
D.S.-S. Il y en a eu beaucoup. Une des plus démonstratives a été publiée dans la revue américaine Cancer en 2008. Une chercheuse a suivi des femmes après traitement pour un cancer du sein et les a séparées en deux groupes. Le premier a reçu des informations standards, tandis que le second a été réuni pendant un an pour apprendre à manger différemment, à faire plus d’activité physique et à pratiquer une méthode de relaxation. Onze ans plus tard, celles qui ont suivi le stage ont bénéficié d’une réduction de mortalité par cancer de 68 % par rapport aux autres.

Q.S. Vous n’hésitez pas à asséner des affirmations chocs du type « Nous avons tous un cancer qui dort en nous » ou « Une personne sur quatre mourra d’un cancer en Occident ».
D.S.-S. Ces statistiques, publiées dans Cancer en 1985 et dans le New England Journal of Medicine en 1993, montrent que notre corps fabrique en permanence des cellules défectueuses à l’origine des tumeurs. S’il en ressort qu’une personne sur quatre mourra d’un cancer dans les sociétés occidentales, cela signifie que trois sur quatre n’en mourront pas. Autrement dit, leurs mécanismes de défense auront tenu ces cellules, et donc la maladie, en échec.

Q.S. Les malades seraient donc selon vous responsables de leur cancer…
D.S.-S. Nous ne sommes pas responsables d’être malades, mais nous avons des leviers sur la maladie que nous pouvons choisir d’activer.

Q.S. Sommes-nous tous égaux face à la maladie ?
D.S.-S. Le facteur socio-économique n’a rien à voir dans le fait de développer ou non une tumeur. Par exemple, on a constaté que la maladie était plus répandue dans le nord de la France. Aujourd’hui, on se demande si ce n’est pas simplement un déficit en vitamine D dû au manque d’ensoleillement qui est en cause. Une étude américaine a montré que les femmes qui ont un taux bas de vitamine D développaient plus fréquemment un cancer du sein mortel.

Q.S. Le cancer du sein a augmenté de 60 % et les tumeurs cérébrales ont triplé depuis les années 1950.
D.S.-S. L’après-guerre coïncide avec l’apparition de l’épidémie de cancer dans le monde occidental. A cette époque, on a adopté un mode d’agriculture intensive pour augmenter la production. Le recours aux produits chimiques s’est généralisé. La nourriture industrielle s’est banalisée. La qualité de notre alimentation s’est dégradée au profit des sucres, des acides gras hydrogénés, des acides gras oméga 6 et des viandes issues d’animaux nourris au maïs et au soja. Autant de facteurs propices au développement du cancer.

Q.S. Certains scientifiques imputent l’augmentation du nombre de cancers au vieillissement de la population et au dépistage.
D.S.-S. C’est évident qu’ils en expliquent une partie, mais ce ne sont pas des raisons suffisantes. De nombreux cancers ne sont pas dépistés chez l’adulte : celui du pancréas, du cerveau, des testicules ou encore la leucémie et le lymphome. De même, la maladie progresse de 1 à 1,5 % chez l’enfant depuis trente ans, d’après l’OMS, alors qu’il n’y a pas non plus de dépistage.

Q.S. Vous dites qu’un cancer peut être souvent évité si l’on mange sain, si l’on fait du sport et si l’on pratique une activité de relaxation. Des évidences en somme…
D.S.-S. Si ces gestes sont des évidences, alors pourquoi ne font-ils pas encore partie de la médecine moderne ? C’est le pari de mon livre de montrer que l’on peut redonner le pouvoir à chacun de prendre sa santé en main pour mieux éviter ou soigner une maladie aussi sérieuse que le cancer.

Q.S. Vous êtes convaincu que les vraies causes du cancer ne sont pas une affaire de gènes, mais de style de vie.
D.S.-S. Dans les années 1980, des études ont montré que des enfants adoptés à la naissance avaient un risque de développer le cancer de leur parents adoptifs et non de leurs parents génétiques. D’après l’OMS, 15 % seulement des cancers sont d’origine génétique. Donc 85 % d’entre eux sont déterminés par le style de vie, mais aussi à des facteurs environnementaux comme les contaminations chimiques, les pollutions…

Q.S. Vous soutenez que les oméga 3, le thé vert, le curcuma, la framboise, l’ail, le chou inhibent certains cancers.
D.S.-S. Ce qui serait surprenant, c’est de prouver que l’alimentation n’a pas d’incidence sur le développement ou non d’un cancer. Il y a maintenant de nombreuses études qui montrent en laboratoire que certains aliments inhibent la croissance des cellules cancéreuses. Ils contribuent donc à créer un état du corps qui est inhospitalier au développement d’un cancer. En 2009, des chercheurs australiens ont constaté que les femmes qui boivent trois tasses de thé vert par jour et qui mangent des champignons trois fois par semaine réduisent de 89 % le risque d’avoir un cancer du sein.

* publié en 2007 aux éditions Robert Laffont.

Biographie
Après des études de médecine et de psychiatrie, David Servan-Schreiber se tourne vers la recherche fondamentale en neurosciences cognitives. Formé aux Etats-Unis, il soutient sa thèse sous la direction du Prix Nobel Herbert Simon. Puis il crée et dirige un centre de médecine complémentaire intégrée à l’université de Pittsburgh où il enseigne en qualité de professeur clinique en psychiatrie. Dans les années 1990, il travaille avec Médecins sans frontières en Irak, au Guatemala, en Inde, au Tadjikistan et au Kosovo en tant que médecin généraliste et pédiatre volontaire. Il est également chargé de l’organisation de services d’urgence médico-psychologiques. De retour en France, il fonde l’association EMDR France (EMDR signifie Eye movement desensitization and reprocessing, en français : intégration neuro-émotionnelle par les mouvements oculaires) pour venir en aide aux personnes souffrant de stress post-traumatique. Enfin, il est, depuis trois ans, chargé de cours ) ma faculté de médecine de Lyon.

Pour en savoir plus
« Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse », éditions Robert Laffont, Pocket, 340 p, 6,55 €.
« Anticancer, les gestes quotidiens pour la santé du corps et de l’esprit », éditions Robert Laffont, 400 p, 21 €.

> Quelle Santé, Juin 2010

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